Conditions de l’entrée dans la parole pour Lucie
                               en fonction de son rapport à l’Autre

 

 

 

                                         Gilbert Lindenlauf

 

 

 

Lucie a 20 mois lorsque je la reçois la première fois, adressée par le médecin de la P.M.I. pour des difficultés alimentaires. Elle ne boit que des biberons et refuse tout autre mode d’alimentation. Elle ne touche pas la nourriture avec ses mains, et si cela arrive, elle se met à pleurer.

Je remarque, lors du premier entretien que Lucie garde sa bouche hermétiquement close comme si rien ne devait y entrer ou en sortir.. Par ailleurs elle a le regard éteint, elle ne touche pas les jouets, ne se déplace pas dans la pièce.

Ses parents me diront de façon tout à fait liminaire que Lucie ne parle pas et qu’elle n’a jamais porté d’objets à sa bouche. Cela ne les inquiète pas puisque, disent-ils, ils n’ont pas de comparaison avec d’autres enfants.

Sa mère se dit meurtrie de ce que « Lucie ne mange pas ma nourriture ». Son père, lui, décrit comment Lucie boit ses biberons, situation qui le gène beaucoup et qu’il voudrait faire cesser – je crois que c’est ce qui a pu déterminer le choix d’une structure non psychotique par Lucie. Elle est, dit-il, « en extase, les bras ballants, boit très rapidement d’une seule traite ; rien d’autre ne semble alors exister pour elle ». Il précise qu’elle semble attendre ces moments là, ce qui l’empêche de s’intéresser à autre chose.

 

Comment s’est institué ce premier rapport à l’Autre ?
Madame D., mère de Lucie est la fille unique de parents qui se sont séparés d’une façon inattendue pour elle lorsqu’elle avait 8 ans. Sa mère se remet alors en ménage avec un homme que Madame D. n’a jamais accepté.
 Lors de sa grossesse, Madame D. est en dépression consécutive au décès de sa mère survenu 3 mois avant qu’elle ne soit enceinte, dépression accentuée par l’arrêt d’un stage de reconversion professionnelle du fait de sa grossesse difficile. Cette évocation entraîne une récrimination quand au sort fait aux femmes « puisqu’un homme qui est devenu père a pu, lui, poursuivre son stage. »
Son rapport à sa mère est marqué d’un : « Elle ne me voyait pas » ; « elle ne me montrait pas qu’elle m’aimait » et me dira ultérieurement : « avec Lucie je mets les bouchées doubles ». Si sa mère n’était pas décédée, Madame D. aurait enfin « pu lui prouver ( en tant que mère elle-même ) ce qu’elle était capable de faire ».

Madame D. est affectée d’une déchirure de la cornée dont elle parle comme d’une « incapacité » qui l’a obligée à interrompre son métier de décoratrice-étalagiste, et à faire un stage de reconversion professionnelle. Cette affection est psychosomatique, apparue dans un moment particulier de la relation à sa mère ( d’autres affections de ce type ont ponctué cette relation, mais madame D. les méconnaît dans la récit de sa vie ). Elle a toujours peur que sa fille, par des gestes et ses jeux, ne lui fasse mal à l’œil, d’où un mouvement de recul et de refus scandé d’un « tu vas me faire mal »

 

Les manifestations du désir de Lucie ne risquent-elles pas de ramener sa  mère au trou, au manque réel, à « l’incapacité » d’une féminité mal symbolisée ?  Les premiers échanges de Madame D. avec sa fille ont été marqué par la rééducation d’un torticolis congénital jusqu’à l’âge de 18 mois, période où « il lui fallait s’occuper de Lucie tout le temps » La tentative de forcer Lucie à manger comme l’idée d’aller voir un psychologue survient juste après l’arrêt de cette rééducation comme s’il fallait maintenir une mainmise sur le corps de Lucie : elle vient pour qu’elle mange.

Pour Madame D., en fonction de son histoire, le manque est situé par elle comme défaut réel entraînant l’impossibilité à occuper une place symbolique. Faute que cette mère puisse assumer  sa  division de sujet, elle met sa fille en position  d’être le support, par son corps, dans une relation de nourrissage sur le plan du besoin, d’une demande adressée à sa propre mère. Madame D. n’a pas pu répondre par des mots ou des jeux à l’appel  que Lucie a manifesté, bébé, par ses pleurs. Elle n’y répondait qu’en la comblant sur le plan alimentaire ou en la prenant de longues heures dans les bras où Lucie restait immobile. Si la relation de Madame D. à Lucie reste électivement marquée d’un « lui faire manger « ma » nourriture », comme elle le dit, leurs échanges sont empreints de ce style. Madame D. « apprend » à sa fille à jouer « pour lui montrer ». Si celle-ci ne s’intéresse pas au jeu proposé, Madame D. se sent renvoyée à sont « incapacité », à son « incompétence » . La haine affleure dès que Lucie manifeste que son désir pourrait être ailleurs que là où elle est objet pour sa mère.

 

Structure initiale de l’Autre pour Lucie

Lucie se porte garante  que l’Autre ne doive pas manquer, ne soit pas barré. Elle est l’objet de l’Autre, l’objet-bouchon, la bouche à nourrir de sa mère. Il y a identification à un Autre non barré par symbiose entre son corps et le corps de sa mère. L’objet oral n’a pas pu être prélevé  par Lucie sur l’Autre maternel. Le tour pulsionnel ne peut pas fonctionner au niveau oral : Lucie n’a jamais porté d’objets à sa bouche, ni manipulé de nourriture.

Toutefois son anorexie survenue au moment du passage à l’alimentation solide, comme son refus de parler, préservent à Lucie son désir, maintiennent un creux en elle qui l’empêche d’être l’objet de sa mère.

Mais avant la cure il s’agit d’une situation figée, car ni le manque de l’Autre maternel, ni le manque de son côté à elle ne peuvent être abordés, dialectisables.

Lucie ne parle pas car toute parole risque de la ramener au statut d’objet de l’Autre maternel, mais aussi de la mettre en péril d’être responsable de la castration de l’Autre.

Nous sommes cependant dans une structure névrotique. En témoigne la rapidité de l’évolution  de Lucie lors des premières séances après que je lui eu dis qu’elle n’était pas responsable de la tristesse de sa mère.

 

Chaque évocation de l’histoire de sa mère est scandée par un progrès pour Lucie. Si dans les premiers temps en séance elle ignore sa mère et n’apporte que quelques objets à son père, elle apporte  rapidement des objets à sa mère également, pour combler l’autre mais plus avec son corps.

     La relation de Lucie à son père est moins menaçante que celle qu’elle entretient avec sa mère. Elle le sollicite pour ce qu’elle refuse à sa mère, notamment manger avec lui. Il en est très culpabilisé. Il se sent « laxiste ». Il ne veut pas intervenir dans la relation entre Lucie et sa mère car « c’est leur relation à elles-deux », et il invoque son manque d ‘expérience.

 

Nous examinerons maintenant certains points clés  de la cure de Lucie qui ont abouti à sa prise de parole.

Le lien entre la prise de parole et la nécessité d’une place évidée de l’objet dans l’Autre apparaît clairement lors d’une séance : Ce jour là Lucie pose un kangourou en peluche sur les genoux de sa mère, puis elle le jette violemment et avec colère par terre. Je lui dit alors : « le kangourou n’est pas pour maman, Lucie non plus n’est pas pour maman ». Elle apporte ensuite un biberon vide à sa mère ; celle-ci s’empresse de lui donner le véritable biberon plein, sans un mot. J’interviens et Lucie dit alors clairement « pa-pa » pour la première fois, sans se tourner d’ailleurs vers son père présent en séance.

Dans cette séance Lucie  peut poser la question de l’objet oral après avoir décomplétée sa mère, condition d’un tour pulsionnel possible : car la prise de parole n’est possible que par le vide de l’objet au niveau oral. C’est le Nom du Père, pas le père réel, qui fait la séparation du  « a » et du A au niveau de l’Autre. Là où Lucie s’offrait comme objet pour combler sa mère, nous avons maintenant le signifiant « papa » d’un côté et de l’autre, un objet oral évidé de la jouissance figuré par le biberon vide.

 

A partir de cette séance, Lucie ne peut pas aborder la question de son propre  manque sans que sa mère ne tente de la ramener à une position de bouchon à sa propre castration. Tout le débat de Lucie va être de promouvoir un signifiant de l’Autre lui permettant d’aborder ses propres questions sans dévoiler ce qu’elle prend alors à l’Autre et sans être ramener à une position de complétude vis à vis de sa mère.

Un mois plus tard, Lucie va chercher le toit d’une maison dont elle se coiffe comme d’un chapeau, puis va en coiffer sa mère, tout ceci avec beaucoup de joie. Elle se dégage ainsi d’une relation de corps avec sa mère où elle devait par son corps s’assurer que l’Autre ne manque de rien en restant immobile dans les bras, ou par son inhibition.

Par ce jeu elle établit une symétrie entre elle et sa mère : ni elle ni sa mère ne doivent être manquantes. Cet objet qu’elle promeut fait masque sur le manque plutôt que signifiant du manque, le sien et surtout celui de sa mère. Elle pourvoit l’autre pour masquer ce qu’elle lui prend par son activité.. Cela lui permet de déployer toute une activité motrice et de langage. Pour la première fois, Lucie rit en séance. Elle crayonne une feuille de papier sur les genoux de sa mère.

 

 Pour la première fois elle nomme des objets certes de façon peu compréhensible, mais non sans que ses paroles ne s’adressent à se parents comme pour continuer à masquer, dans sa prise de parole, le manque dans l’Autre, mais sur le plan du signifiant maintenant. Il n’y a pas encore trace d’un « se faire entendre », avec l’éclosion de phonèmes qui accompagnent normalement l’activité des enfants.

La prise de parole met en jeu la pulsion antérieure à la parole proprement dite, pulsion qui vient cerner un vide dans l’Autre et fait retour sur le sujet en un « s’entendre », ce que ne peut encore réaliser Lucie  Ici elle « offre » sa parole à l’Autre, ceci non sans qu’elle ait auparavant apporté un objet ( au sens commun ) à sa mère ; de même que son activité se rapporte dans ce temps exclusivement à ses parents,  pas pour elle-même ni pour un tiers, mais elle est maintenant possible.

 

Cependant on mesure ce qu’elle doit encore réellement à l’Autre dans le récit de ses parents, puisque mangeant maintenant à la maison à peu près normalement, elle redemande de la nourriture après avoir fini son assiette mais se met  à hurler dès que sa mère la ressert, et va se réfugier sur les genoux de son père.

 

Au bout de trois semaines Lucie arrive avec des lunettes noires qu’elle a prises au mari de sa nourrice. Madame D., catastrophée, me dit qu’elle vient d’aller voir le médecin qui lui a annoncé que sa vue baissait. Elle pense que cela va renforcer son « incapacité à apprendre à sa fille ». En séance Lucie ne cherche pas à pourvoir sa mère de ces lunettes. C’est vers son père qu’elle se tourne pour les lui mettre. Ce signifiant phallique qu’elle est aller chercher du côté d’un homme pour parer son corps de petite fille va lui permettre d’interroger sa mère sur son manque. Lucie établit une symétrie entre son corps de fille et le corps de sa mère, et tente de symboliser le manque de l’autre maternel. Elle ne cherche plus à pourvoir sa mère comme elle-même se montre pourvue, mais au contraire elle inverse la situation : Sa mère se mettant des gouttes dans les yeux pour les humidifier et s’essuyant avec un mouchoir, Lucie demande ce mouchoir à sa mère, qui le lui refuse sans autre mot. Ce refus déclenche sa détresse et ses pleurs. C’est un échec à ce niveau. La mère ne peut répondre à Lucie là où elle est interrogée sur son manque.

Lucie ne peut pas inscrire dans l’Autre du signifiant les signifiants de sa demande.

 

Rapidement, de petits personnages figurant un homme, une femme, un bébé vont prendre une place centrale dans la cure. Les personnages vont passer du statut de signifiant destiné à masquer le manque dans l’autre à celui de Vorstellungsrepräsentanz proprement dit. Cet intérêt s’était déjà manifesté : Elle avait amené à son père le personnage féminin, à sa mère le personnage bébé, et avait longuement regardé le personnage homme qu’elle avait reposé. Il s’agit alors de se dégager d’une relation de corps, puisque ce bébé dont elle pourvoit sa mère elle ne l’est plus. Pour cela, elle commence par s’asseoir à la place de son père. Elle lui amène le personnage femme, lui demande de remettre le bras qui s’est par inadvertance démis, puis le retire et dit « cassé ». A chaque fois que son père remet le bras, elle le retire en disant « cassé ». puis elle va chercher le personnage homme qu’elle porte à sa mère. Elle le déshabille, écarte les jambes, retire un bras et dit « cassé » Elle répète la même chose plusieurs fois de suite, avant de prendre la place de sa mère.

  Dans cette séance Lucie pose la question de son être sexué en relation avec la castration maternelle : Qu’est-ce qui te manque ?

Cette question est référée au père à qui elle demande d’abord de remettre le bras « cassé » ; mais n’est-ce pas aussi sa mère qui est « cassée » par rapport aux hommes ? Question centrale dans la problématique de sa mère. Ces deux plans me semblent se recouvrir.

Elle s’adresse à son père pour remettre le bras « cassé ». En le recassant le manque demeure. Le manque, le sien dans son rapport à celui de l’Autre, elle le crée activement ; elle ne craint plus que sa mère s’en saisisse et qu’elle ne devienne son objet-bouchon.

Ne pourrait-on dire qu’à ce stade il y a pour Lucie recouvrement du signifiant S2 de l’Autre avec le manque de signifiant à dire la féminité ?

Dans cette période , les deux mots que Lucie articule clairement sont « papa » et « cassé(e) ».

 

Suite à cette séance, Lucie demandera à sa mère qu’elle lui retire ses couches : elle fait alors pipi dans sa culotte. De même elle fait pipi debout alors qu’elle accompagne sa mère aux toilettes. La question de son propre manque, à elle, au lieu de son sexe, est clairement posée en relation avec le manque de sa mère.

Le voile phallique, la culotte qu’elle demande pour faire pipi dedans, voile le manque sur son propre corps. Ce débat est pour Lucie difficile, car sa mère tente de la ramener au stade antérieur où elle devait donner le pipi à sa mère. On mesure cependant le chemin parcouru puisqu’une relation de corps, où le pulsionnel est en jeu, peut être abordée par elle vis à vis de sa mère, maintenant que la grâce du signifiant  fait qu’elle n’est plus objet réel de sa mère dans son corps.

 

L’insistance de Lucie à apporter à sa mère le personnage féminin dénudé dont elle désigne l’entrejambe amène celle-ci à me faire part de son souhait d’adolescente d’être un garçon. Lucie met alors son manteau, veut quitter la pièce, indiquant cette question comme étant celle de sa mère, peut-être aussi l’insoutenable de cette question maternelle pour elle. La disposition des lieux ne permettant pas qu’elle sorte, Lucie se met à pleurer, désespérée et me tend alors son ballon comme si elle me devait quelque chose. Je le lui dis, lui relance le ballon, elle joue alors avec moi. En fin de séance, elle apporte à sa mère le personnage femme qu’elle fait habiller avec la veste du personnage homme.

 

Après cette séance, nous assistons à une véritable explosion de langage pour Lucie. Elle prend de l’aisance dans son activité. Mais elle vient cependant occuper le champ du manque dans l’Autre avec sa parole d’une façon particulière : Elle tend préférentiellement à répéter les mots entendus de l’Autre lors de situation où il était content d’elle. Sa relation à la parole n’est pas dégagée du corps de l’Autre. Elle ne convoque des mots répétés, dont manifestement elle tire beaucoup de plaisir, qu’à proximité du corps de l’Autre, principalement son père : elle demande que son père répète des mots, en apportant des objets qui bien entendu n’ont rien à voir avec les mots proférés. Ainsi elle baptise du signifiant « rigolo » une multitude d’objets comme si elle voulait prolonger à de nouvelles expériences le plaisir pris dans le signifiant lorsque l’Autre était content d’elle.

 Est-elle alors identifiée à cet Autre du signifiant maintenant, avec lequel elle a un rapport qui n’est plus ni le comblement sur le mode transitiviste par accolement réel des corps ( même si elle y revient parfois ), ni l’identification à un Autre non barré sous la forme du lait qu’elle buvait goulûment ?

 

Arrêtons- nous maintenant sur une séance qui illustre l’avancée de Lucie dans le champ du signifiant aussi bien que les points de butée qu’elle rencontre.

Lucie amène le personnage féminin à sa mère sans le « casser » Elle veut l’élastique que sa mère porte dans ses cheveux pour le mettre au personnage féminin. Sa mère, sans autre mot, refuse. Lucie dit alors « cassée ». Ce refus fait figure de surmoi archaïque parce qu’il révèle de façon non voilée ce qu’elle prend alors à l’autre, la blessure qu’elle lui inflige. Ce surmoi archaïque est mutilation de son désir même. C’est le désespoir des pleurs. Elle s’en sort par deux issues mutilantes pour elle. Soit elle se réfugie dans les bras, immobile, pour colmater la blessure que sa demande a fait surgir. Soit elle tend à l’autre un jouet en un sacrifice d’une partie d’elle même. Mais ces manifestations ont maintenant lieu en séance qui en permet l’élaboration..

 

Par la suite, Lucie ne demandera plus l’élastique des cheveux de sa mère, mais un élastique à elle qu’elle pense trouver dans le sac maternel. On mesure le chemin parcouru, puisque la poupée qu’elle sait cassable pour l’avoir expérimenté, elle ne demande pas que sa mère ni son père la répare. Elle place sa question au niveau du rapport du signifiant au manque, et non plus pour masquer le manque ou faire du « un » en réparant. Lucie va chercher sur l’Autre maternel un signifiant qui va faire parure, de plus en plus détaché du corps maternel, signifiant enserrant un manque. La poupée-femme n’est plus cassée par Lucie une fois parée de l’élastique dans ses cheveux.

 

Lucie bute cependant sur la problématique maternelle : Elle demande à sa mère  un élastique pour mettre aux cheveux  de la poupée ; sa mère fait mine de ne pas comprendre, puis devant l’insistance, dira qu’elle n’en a pas… pour en sortir un de son sac un quart d’heure après. Elle se justifiera en disant que sa fille aurait alors demandé la barrette qu’elle porte, et se serait mise à pleurer devant son refus. Madame D instaure une relation avec sa fille sur le mode :

« Tu ne dois manquer que de moi au travers ce que je te refuse, faute de ne pas te satisfaire exclusivement de ce que je te donne » Sa position peut être qualifiée d’hystérique, mais ne peut-on parler ici de trait pervers vis à vis de sa fille ?

 

Nous pourrions formuler ainsi le débat de Lucie à ce stade : Peut-elle être sujet désirant si elle est fille ? Ce débat, implicite dès le début, est maintenant agit dans le transfert : Dans cette séance, Lucie glisse, se cogne, va vers sa mère, et dit « cassée ». « Cassée » tend ainsi à passer au rang d’une formation de l’inconscient, sous la forme d’un acte manqué.

 

Maintenant, à 2 ans et demi,  Lucie est une petite fille qui manie le langage avec aisance et plaisir. Seules une difficulté de prononciation et une certaine pauvreté grammaticale pour son âge témoignent de son rapport premier à l’Autre. L’émergence de sa parole s’est faite par la dissociation de deux registres qui se recouvraient :

-Lucie était cassée par les refus de sa mère à entendre sa demande sur le plan du signifiant.

-Lucie était cassée en tant que fille.

Son cheminement a été de situer ce « cassée » par rapport au phallus et à enserrer son manque de fille dans la « mascarade » de la féminité par cet élastique qu’elle met dans les cheveux de la poupée qui la représente.

 De nouer son manque au manque dans l’Autre après s’y être soustraite comme objet, cela n’a -t-il pas été la condition de l’émergence de sa parole pour Lucie ?

 

 

 

 

 

                        Les orientations  théoriques de cette cure se réfèrent à l’enseignement

                        de Rosine et Robert LEFORT. On en trouvera les éléments et la clinique

                        dans leur livre : « La naissance de l’Autre »

 

 

 

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